Découvrez l'article de Capucine Bordet sur les Zingaras en marbre blanc de Jean-Baptiste Clésinger

Deux bohémiennes de Clésinger feront danser les enchères à Enghien-les-Bains
Le 11 avril 2018 par Interencheres

Une paire de sculptures intitulée : Zingaras, danseuses napolitaines d’Auguste Clésinger sera proposée à la vente dimanche 15 avril à l’hôtel des ventes d’Enghien-les-Bains et en direct sur le Live d’Interencheres par Maîtres Isabelle Goxe et Laurent Belaïsch. Célèbre pour ses représentations féminines, comme celle ornant le tombeau de Chopin au Père-Lachaise ou la statue de la régente Louise de Savoie au jardin du Luxembourg, Clésinger rend ici hommage au mythe de la gitane, largement célébré dans les œuvres romantiques du XIXe siècle, à l’image d’Esmeralda dans « Notre-Dame de Paris ».
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Les deux danseuses se font face. La tête tournée l’une vers l’autre, leur regard se plonge dans celui de sa partenaire, tandis que leur buste est tourné vers l’arrière. Leurs bras, montés en couronne, portent un instrument différent : une paire de cymbales pour l’une et un tambourin pour l’autre. Emportées par le rythme de leurs percussions, elles sautillent toutes deux sur un pied dans une symétrie aussi parfaite qu’improvisée. « Leurs mouvements se répondent avec tant de précision et leurs silhouettes voluptueuses sont si semblables qu’Auguste Clésinger a manifestement créées ces deux “Zingaras, danseuses napolitaines” ensembles », observe Maître Laurent Belaïsch.
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Bien connu des amateurs d’art, le nom d’Auguste Clésinger (1814-1883) résonne également à l’oreille de tous les amateurs de littérature puisque l’artiste était le gendre de George Sand, plus précisément le mari de sa fille Solange qu’il épousa en 1847. La même année, le sculpteur défraie la chronique avec son œuvre « Femme piquée par un serpent» qui fit scandal au Salon. « Pour cette image suggestive d’une femme nue se tordant sous la piqûre d’un serpent (…) Clésinger, comme en témoigne la cellulite du haut des cuisses et retranscrite dans le marbre, avait utilisé un moulage sur nature du corps d’une demi-mondaine, Apollonie Sabatier (1822-1890). Muse de Baudelaire, beauté parisienne tenant un salon, celle que ses amis appelaient « la Présidente » offrit ainsi un succès inespéré à Clésinger. L’utilisation directe du moulage sur nature pour une sculpture était violemment contestée au XIXe siècle, induisant l’absence de travail et de probité de l’artiste », détaille le Musée d’Orsay où la sculpture est actuellement conservée. Toujours en 1847, Auguste Clésinger réalise également l’une des vingts statues qui ornent le promenade surplombant le bassin principal du Jardin du Luxembourg. Il s’agit d’une représentation de Louise de Savoie, la mère du roi François Ier qui fut également régente de France.
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Célèbre pour ses représentations féminines – et notamment celle d’Euterpe, muse de la musique, qui orne le tombeau du compositeur Frédéric Chopin au cimetière du Père-Lachaise -, Clésinger présente au Salon de 1859 une statue en marbre d’une danseuse appelée Zingara. Contrairement à l’accueil réservé 12 ans plus tôt à sa « Femme piquée par un serpent », la critique est alors beaucoup plus positive : « nous préférons la Zingara ; cette danseuse au tambour de basque n’est pas légère ; c’est une belle et forte Italienne qui danse avec un abandon tout méridional. Le mouvement est juste, les nus grassement modelés et les grandes difficultés d’exécution heureusement surmontées », écrit alors le critique d’art Louis Auvray dans un style totalement emprunt des stéréotypes de son temps…

Tout comme le modèle présenté au Salon de 1959, les deux Zingaras mises aux enchères sont en marbre. Clésinger a également réalisé des déclinaisons en bronze, comme la « Danseuse au tambourin » conservée au musée de Grenoble. « Le terme de zingara signifie “bohémienne”, une figure récurrente dans la mouvance romantique du XIXe siècle », constate le commissaire-priseur en citant l’opéra de Gaetano Donizetti « la Zingara » qui date de 1822 et l’incontournable personnage d’Esmeralda dans « Notre-Dame de Paris », sorti en 1831. Victor Hugo détaille d’ailleurs au chapitre III la danse d’Esmeralda qui pourrait très bien décrire les mouvements des deux danseuses de Clésinger : « Tandis qu’elle dansait ainsi, au bourdonnement du tambour de basque que ses deux bras ronds et purs élevaient au-dessus de sa tête, (…) avec ses épaules nues, ses jambes fines que sa jupe découvrait par moments, ses cheveux noirs, ses yeux de flamme, c’était une surnaturelle créature. » Jusqu’à leur mise aux enchères, les deux « danseuses napolitaines » poursuivent, elles, leur danse dans le jardin d’une propriété d’Enghien-les-Bains, dans laquelle elles résident depuis plusieurs générations.
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Rares sur le marché de l’art, les œuvres de Clésinger enregistrent toujours des prix important, au-delà de la barre des 250 000 euros. En mai 2017, une statue en marbre représentant une Femme au serpent s’est vendue 122 000 euros à l’Hôtel des ventes Nice Riviera. L’estimation fixée pour cette paire de sculptures est de 150 000 à 200 000 euros.
 
Découvrez les deux Zingaras de Clésinger mises en vente à Enghien-les-Bains et sur le Live
 
LOT n°67
Jean-Baptiste CLÉSINGER (1814-1883) Deux Zingaras, danseuses napolitaines aux cymbales et tambourin. Paire d'importantes sculptures en marbre blanc de Carrare, signées. Légères épidermures dues au séjour…
Fiche détaillée